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peu à les retrouver.

— Eh bien ! sur les terres de… de… de… M. Rupin, dit d’un côté le commis.

— Eh bien ! vous allez voir la propriété de… de… Valainville, dit le clerc.

Tous deux parlaient au hasard et pour ne pas avoir l’air d’être pris au dépourvu.

— Je ne connais pas de M. Rupin ni de propriété de Valainville dans le pays, repartit l’avoué.

— C’est un nom à peu près comme ça, dirent ensemble le commis et le clerc.

— Oui, fit Luizzi en continuant à se donner l’air de chercher, Rupin, Ripon, Ripeau, Rigot ; c’est ça, ce doit être ça.

Les trois interlocuteurs regardèrent Luizzi en face pendant qu’il continuait.

— Et votre propriété de Valainville doit être quelque chose comme Valainvilli, le Vailli, le Taillis, c’est ça, le Taillis.

— Ah ! fit l’avoué, pendant que le clerc et le commis restaient tout stupéfaits de la plaisanterie de Luizzi, vous allez au Taillis, chez M. Rigot ?

— Oui, Monsieur, répondit le baron ; et si ces Messieurs n’ont pas de moyens de transport, je leur offrirai des places dans ma voiture. Nous partirons demain de bonne heure.

— Ah ! vous partez demain au matin ? dit l’avoué ; vers dix heures, n’est-ce pas ? Il ne faut pas arriver trop tôt au Taillis : on ne se lève pas de bonne heure au château.

— Nous partirons quand ces Messieurs le voudront, dit le baron. Voilà un bon souper, nous allons y ajouter quelques bouteilles de champagne, si c’est possible, et nous attendrons gaiement l’heure de nous mettre en route.

— À votre aise, Messieurs, dit l’avoué, c’est un régime parisien auquel vous êtes sans doute faits, mais qui n’irait pas à nos habitudes de province. Je vais donc vous demander la permission d’aller me coucher, en vous souhaitant une bonne nuit.

Sur ce, l’avoué se leva et se retira.

— À nous donc, Messieurs ! dit le baron en débouchant une bouteille de vin et en servant le commis d’agent de change qui lui tendit bravement son verre, et le clerc de notaire qui semblait écouter ce qui se passait dans la cour.

Un moment après, en effet, on entendit le bruit d’un cabriolet qui sortait de l’auberge. M. Marcoine se leva de table, ouvrit la fenêtre qui donnait sur la grande route, et regarda le cabriolet s’éloigner.

— Qu’avez-vous donc, dit M. Furnichon, et qu’est-ce qu’il vous prend ?

— Oh ! ce n’est rien, dit le clerc, un éblouisse-