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deaux, pieds et mains d’une rare finesse, belles dents, grands yeux languissants et légèrement incertains, vue basse.

Ernestine, sa fille : quinze ans et demi, grande et déjà formée.

Akabila, roi d’une race de Malais, le visage tatoué et la tête rasée, bottes à retroussis, culotte de peau, veste de jockey.

La première scène se passe dans la salle à manger de l’auberge de Mourt. Les personnages en scène sont l’avoué, le clerc de notaire et le commis d’agent de change. Au moment où Luizzi entre dans la pièce où ils sont réunis tous les trois, chacun d’eux est occupé à lire des papiers qu’il remet aussitôt dans un portefeuille ; tous trois regardent Luizzi d’un air mécontent et étonné, puis se regardent entre eux, comme pour se demander si quelqu’un connaît ce nouveau venu.

— Messieurs, dit Luizzi en saluant, je suis honteux de venir m’emparer d’une part de votre bien, car je crains que le souper qu’on n’avait préparé que pour un n’ait paru au maître de cette auberge suffisant pour deux, puis pour trois, puis pour quatre.

— Qui que vous soyez, répondit l’avoué en saluant gracieusement, soyez le bienvenu ! Si je me permets de vous recevoir comme si j’étais le maître de la maison, continua-t-il en regardant alternativement ses deux compagnons, c’est que j’y ai des droits incontestables…

M. Bador suspendit sa phrase débitée avec art pour voir l’effet qu’elle avait produit, et reprit après un moment de silence :

— Ces titres, cependant, se réduisent à deux : l’un, c’est d’être arrivé le premier dans cette auberge ; l’autre, c’est d’être pour ainsi dire du pays.

— Monsieur est un habitant de Mourt ? dit le baron.

— J’y ai quelques clients, répondit l’avoué. Je suis de Caen, toute ma famille est de Caen, j’y exerce quelque influence ; mon étude, sans être la première de la ville, n’en est pas la plus mauvaise.

— Monsieur est notaire ? dit M. Marcoine.

— Avoué, répondit M. Bador, autrefois avocat-avoué, quand on voulait bien nous permettre de plaider devant les tribunaux. Je n’ai pas été comme mes confrères, j’ai accueilli avec joie l’ordonnance qui nous a interdit la parole. J’aime peu à parler, je ne suis pas bavard, ça me fatigue la poitrine ; et, malgré le chagrin de mes clients et leurs supplications, je ne signai pas la protestation de tous mes confrères contre l’ordonnance du roi. J’ai