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lit.

— Oh ! fit Luizzi, qui se promenait activement dans la chambre, tu me décides. Je craignais de rencontrer dans un caractère inflexible un obstacle insurmontable à mes projets ; mais Olivia est la femme qu’il me faut, tremblante devant un scandale, faible devant un souvenir.

— Celle-là qui est ainsi, dit Satan, n’est pourtant pas la plus méchante de celles qui t’ont blessé. Et mesdames du Bergh et de Fantan ?

— Ah ! assez, maître Satan, dit Luizzi : tu ne me persuaderas pas. Je te connais. En m’irritant contre ces deux autres femmes, tu veux me faire croire que ta prédilection pour madame de Marignon est désintéressée ; je ne me laisserai point prendre à ce piége, et je te jure que, si je ne frappe que la moins coupable, c’est que je n’ai aucun moyen d’arriver aux autres.

— Eh bien ! dit Satan, veux-tu que je te nomme le plus coupable de tous les acteurs de cette histoire, celui dont tu peux au moins flétrir la mémoire sans remords ? car c’est lui qui a mené Olivia par la main à son premier désordre.

— Quel est-il ?

— Ne te souviens-tu pas de ce joyeux marquis de Billanville qui avait inventé ce honteux marché qui devait livrer Olivia à l’un des douze ?

— Oui. Eh bien ?

— Quand tu sauras son véritable nom, tu sauras toute la vérité de cette histoire, tu sauras celui qu’il faut livrer au mépris des hommes. Cet homme, tu le connais. Il s’appelait le baron de Luizzi.

— Mon père !

— Ton père.

— Toujours ! toujours ! répéta Luizzi furieux.

Le Diable n’était plus là.

Comme nos lecteurs ont dû le remarquer, Luizzi n’était déjà plus le jeune homme vaniteux et confiant qui s’aventurait gaiement dans le monde, n’y regardant pas de trop près, se laissant aller à son émotion du moment, tout disposé à faire le bien et à y croire, ayant les défauts de sa position sans en avoir les vices, un peu fat, un peu railleur, aussi oublieux du service que de la haine de la veille, s’imaginant que chacun est à sa place et n’enviant celle de personne. Mais le Diable était venu, le Diable qui avait soufflé sur les apparences et arraché les masques ; et alors Luizzi s’était révolté contre ce qu’il croyait être le véritable état du monde. La colère lui avait donné ses mauvais conseils, et il les écoutait. Après avoir fait comme la plupart des hommes le mal sans réflexion, sans calcul, un mal pour ainsi dire innocent, il rêvait le mal bien calculé, le mal préparé de longue main, le mal coupable. C’est que Luizzi, il faut le dire en-