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Le baron trouva ce sourire sur les lèvres de la marchande au moment où il se retournait pour lui présenter son salut ; il en fut sensiblement humilié.

En sortant de chez le marchand Dilois, Luizzi se rendit chez le marquis du Val. M. du Val n’était pas à Toulouse. Luizzi demanda madame la marquise. Le domestique répondit qu’il ne savait pas si Madame était visible.

— Eh bien ! tâchez de vous en informer, répliqua Luizzi avec ce ton qui fait comprendre à un valet que celui qui parle a l’habitude d’être obéi. Dites, ajouta Armand, que M. de Luizzi désire la voir.

Le valet resta un moment immobile sans sortir de l’antichambre ; il semblait chercher un moyen d’arriver jusqu’à sa maîtresse. Une femme vint à passer ; le domestique courut à elle et lui parla vite et bas comme enchanté de rejeter sur un autre la commission dont il était chargé. La chambrière lança de côté un coup d’œil parfaitement insolent sur Luizzi ; elle le considéra avec une espèce de ressentiment qui semblait annoncer que le nom qu’on venait de prononcer lui était connu et lui rappelait de cruels souvenirs, puis elle reprit d’une voix aigre :

— Tu dis que Monsieur s’appelle ?…

— Mon nom ne fait rien à l’affaire, Mademoiselle… J’ai à parler à madame du Val et je veux savoir si elle est visible.

— Eh bien ! monsieur de Luizzi, elle ne l’est pas.

C’était trop dire au baron que sa visite dépendait de la bonne volonté d’un domestique pour qu’il se retirât. Il répliqua donc :

— C’est ce dont je vais m’informer moi-même.

Il marcha droit vers le salon, dont la porte était ouverte. Le valet s’écarta, mais la chambrière se plaça fièrement devant la porte.

— Monsieur, quand je vous dis que vous ne pouvez voir Madame ! Il est bien étonnant que quand je vous dis…

— Mademoiselle, reprit poliment Luizzi, je vous supplie d’être moins impertinente et d’aller prévenir votre maîtresse.

— Qu’est-ce donc ? dit une voix de l’autre côté du salon.

— Lucy, dit le baron à haute voix, à quelle heure vous trouve-t-on ?

— Ah ! c’est vous, Armand, repartit madame du Val avec un cri d’étonnement ; et elle s’avança vers lui, après avoir