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j’écoute les histoires que tu me raconteras ? Je n’y ai vu que des crimes.

— Ce n’est pas moi qui ai choisi les sujets.

— Mais si par hasard je rencontrais un être pur, ne le salirais-tu pas par tes récits ?

— Je ne mens ni ne calomnie, c’est l’arme des faibles et des lâches.

— Puisqu’il en est ainsi, maître Satan, puisque j’ai la certitude de savoir la vérité sur toute femme que je rencontrerai, j’accepte le marché que tu m’as proposé, mais à une condition, c’est que j’aurai deux ans pour faire un choix.

— Deux ans, soit, repartit le Diable.

— C’est convenu ?

— Convenu.

— Alors guéris-moi.

— Je n’y puis rien, repartit Satan. Je ne touche point aux choses matérielles de ce monde, tu le sais bien.

— Alors tu m’as donc trompé ?

— Tu es toujours le même : défiant, parce que tu es faux. Va, dans trois semaines tu seras aussi bien portant que tu peux l’être.

— Et comment ? dit Luizzi.

Le Diable n’y était plus.


XXV

UNE BELLE CURE.


Luizzi se trouva fort désappointé de la subite disparition de Satan ; mais, rassuré par ses promesses, il considéra sa position d’un esprit plus calme et finit par comprendre qu’elle n’était pas aussi désespérée qu’il se l’était imaginé. C’est que l’effroi lui avait fait voir des monstres dans les obstacles qu’il avait à vaincre. Un moment après, madame Humbert rentra ; mais, au lieu de l’énorme bocal de sangsues, de la provision de farine de graine de moutarde qu’il s’attendait à voir entre les mains de la matrone, il s’aperçut qu’elle portait un petit plateau sur lequel se trouvaient une tasse de bouillon et un verre d’excellent vin. Nous avons dit que Luizzi s’était réveillé avec un terrible appétit. L’aspect du bouillon irrita vivement cet appétit, et la faim suggéra au baron l’idée de séduire en secret madame Humbert et de la détacher du complot de ses domestiques : tant il est vrai que l’estomac est le siége du génie dans la plupart des hommes ! Il appela madame Humbert et lui dit :

— Est-ce pour moi que vous apportez cet excellent dé-