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vieilles filles et les sourds et muets sont presque toujours soupçonneux, médisants et impitoyables. Dans toute ta vie, baron, méfie-toi des êtres incomplets : il n’y a que ceux-là de véritablement méchants.


XX

PETITE INFAMIE.


Comme Luizzi allait répondre à cette nouvelle théorie du Diable, son valet de chambre entra et lui remit un billet en même temps qu’il lui annonça M. de Mareuilles. Avant que Luizzi eût pu rappeler au valet de chambre l’ordre qu’il lui avait donné de ne laisser entrer personne, le dandy parut sur le seuil de la porte de la chambre à coucher, et, montrant du bout de sa canne le billet que Luizzi n’avait pas encore ouvert, il s’écria en riant :

— Je parie que c’est de Laura ?

— Je ne le crois pas, dit Luizzi avec humeur, car il me semble que je connais cette écriture, et jamais je n’ai reçu de lettre de madame de Farkley.

En ramenant son regard de la porte de sa chambre à son lit, Luizzi s’aperçut que le fauteuil occupé un instant auparavant par le Diable était vide.

— Eh bien ! où est-il ? s’écria le baron dans un premier mouvement de surprise.

— Qui ça ? dit Mareuilles.

— Mais, repartit Luizzi, à qui un nom propre ne venait pas suffisamment vite pour remplacer celui qu’il n’osait prononcer ; mais ce monsieur qui était là tout à l’heure.

— Ah çà ! vous devenez fou, repartit le dandy, je n’ai vu personne. Du reste, je vous demande pardon de vous déranger si matin ; mais hier, après votre départ de l’Opéra, j’ai été informé de la résolution de madame de Marignon à votre égard, et je viens vous en parler. Je ne veux pas vous faire de sermon, mon cher ami, parce qu’entre jeunes gens cela n’a pas le sens commun ; mais, en vérité, vous m’avez compromis d’une façon très-peu obligeante. Vous savez à quel titre je suis reçu chez madame de Marignon ; vous savez que sa fille est un parti très-considérable, et auquel ma famille a songé depuis