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coup un air bon homme, et, tendant la main au baron, il lui dit :

— Voyons, mon cher Armand, pas d’enfantillage ! Cette femme a encore un plus grand tort que celui d’avoir beaucoup d’amants, c’est celui de les compromettre et de les exposer d’une manière indigne. Son premier mari a été tué en duel pour elle ; le second de même, et ce n’est point sa faute si beaucoup d’entre nous ne se sont pas coupé la gorge ensemble pour une vertu sur laquelle nous avons eu du moins le bon esprit de nous expliquer avant d’en venir à des extrémités. Du reste, madame de Farkley vous a donné un rendez-vous pour après-demain ; après-demain c’est le lundi gras ; eh bien ! si le mardi au matin il vous prend encore fantaisie de vous battre pour elle, ce jour-là je serai à votre disposition, ce jour-là seulement, entendons-nous bien ! car j’aime à faire les choses en leur temps, et je vous déclare que, le mercredi des cendres, les folies du carnaval sont finies pour moi.

— Ma foi ! répondit Luizzi, mécontent de lui, mécontent de tout le monde, ne sachant véritablement ce qu’il devait penser, et impatient de cette perplexité perpétuelle où il passait sa vie, ma foi, dit-il, je ne vous réponds ni oui ni non : à mardi au matin.

— À mardi au matin, dirent tous les jeunes fous en ricanant ; nous irons vous demander à déjeuner, baron, et nous espérons que madame de Farkley daignera nous faire les honneurs de la table.

Tant d’assurance laissa Luizzi confondu. Il reculait devant l’idée que le monde pût parler avec ce mépris d’une femme qui ne l’aurait pas mérité. Il rentra chez lui bien décidé encore une fois à ne s’en rapporter qu’à lui-même de l’opinion qu’il devait avoir des autres, et il s’endormit dans cette sage résolution. Mais il était écrit quelque part que de nouveaux incidents le forceraient d’en changer malgré lui. Le lendemain, au moment où il se levait, son valet de chambre lui remit plusieurs lettres. L’une d’elles était de madame de Marignon, et le style et le sujet étonnèrent grandement le baron. Voici quelle était cette lettre :


« Monsieur,

« Lorsque M. de Mareuilles vous présenta chez moi, il m’en demanda la permission. Le nom que vous portez et la considération qui devrait en être la suite, ne sont pas, je dois