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me fait mal, dit Nathalie ; mais comme il n’y a pas d’autre verre ici, je vais jeter ce vin, et puis…

« — Inutile, mon amour, dit du Bergh, je suis économe quand je m’en mêle, je ne gaspille rien qu’à mon profit. »

Il prit le verre de vin et l’avala d’un trait.

« — Et maintenant ?

« — Maintenant je suis à toi, » dit Nathalie.

— Quoi ! s’écria Luizzi, et elle se donna alors à cet homme, et ce jeune du Bergh qui existe, c’est le fils ?…

— Ce jeune du Bergh, dit le Diable, c’est une autre histoire ; car il y avait trois gouttes d’acide prussique dans le flacon de Nathalie, et du Bergh n’avait pas fait un pas qu’il tomba mort.

— Mort ! reprit Luizzi… et après ?…

— Mon bon ami, dit le Diable, il est trois heures, et madame de Farkley vous attend.

— Pourtant je veux savoir…

— Ne savez-vous pas déjà quelque chose qui pourra vous guider dans votre amoureuse aventure ? Je vous ai enseigné un peu ce qu’était la vertueuse madame du Bergh. Allez apprendre ce que c’est que la femme dépravée qui s’appelle Laura de Farkley.

Et le Diable disparut, laissant Luizzi seul dans sa loge…


XVIII

COMMENT LES FEMMES ONT DES AMANTS.


Lorsque Luizzi approcha de l’horloge où il devait retrouver Laura, il fut obligé de percer un groupe assez nombreux de jeunes élégants qui se pressaient autour de deux femmes qui les accablaient de railleries. L’une d’elles se tourna vers lui, c’était madame de Farkley. Elle s’empara rapidement du bras d’Armand et perça le cercle dont elle était entourée. On lui fit place avec cette courtoisie moqueuse qui respecte la femme parce qu’elle est femme, mais qui montre en même temps que le respect ne s’adresse qu’au sexe et non à la personne. Armand et madame de Farkley étaient à peine à quelques pas du groupe, que celle-ci lui dit d’un ton languissant :

— Vous êtes monsieur de Luizzi, n’est-ce pas ?

— Oui, Madame.

— Vous arrivez de Toulouse ?

— Oui, Madame.