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— Je te demande le droit d’écrire tout ce que tu me diras ?

— Tu pourras le faire.

— Le droit de révéler tes confidences sur le présent ?

— Tu les révéleras.

— De les imprimer ?

— Tu les imprimeras.

— De les signer de ton nom ?

— Tu les signeras de mon nom.

— Et quand commencerons-nous ?

— Quand tu m’appelleras avec cette sonnette, à toute heure, en tout lieu, pour quelque cause que ce soit. Souviens-toi seulement qu’à partir de ce jour, tu n’as que dix ans pour faire ton choix.

Trois heures sonnèrent, et le Diable disparut. Armand de Luizzi se retrouva seul. La bourse qui contenait ses jours était sur la table. Il eut envie de l’ouvrir pour les compter, mais il ne put y parvenir, et il se coucha après l’avoir soigneusement placée sous son chevet.


II

LES TROIS VISITES.


Le lendemain de ce jour, Luizzi quitta Ronquerolles. Quoiqu’il eût demandé au Diable un assez long délai pour trouver le bonheur, il agit comme un homme qui a des idées arrêtées d’avance, car il s’empressa de retourner à Toulouse pour en repartir immédiatement pour Paris. Paris est la grande illusion de tout ce qui pense que vivre c’est user la vie. Paris est le tonneau des Danaïdes : on y jette les illusions de sa jeunesse, les projets de son âge mûr, les regrets de ses cheveux blancs ; il enfouit tout et ne rend rien. Ô jeunes gens que le hasard n’a pas encore amenés dans sa dévorante atmosphère, s’il faut à vos belles imaginations des jours de foi et de calme, des rêveries d’amour perdues dans le ciel ; s’il vous semble que c’est une douce chose que d’attacher votre âme à une vie aimée pour la suivre et l’adorer, ah ! ne venez pas à Paris ! car la femme que vous suivrez ainsi mènera votre âme dans l’enfer du monde, parmi les hom-