Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome I.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le mystère de tous les événements dont il avait été le témoin depuis qu’il avait fait connaissance avec Satan. Une résolution qu’il crut prendre aussi très-fermement, ce fut d’appeler le moins possible le Diable à son aide, et surtout de ne se servir, sous aucun prétexte, ni pour aucun usage, des renseignements qu’il pourrait en recevoir ; et, pour tenir cette résolution, il convint avec lui-même de ne voir aucun des individus qui avaient eu des rapports avec lui durant le voyage qu’il venait de faire. Luizzi pensa donc à reprendre ses premières habitudes de jeune homme lorsqu’il était à Paris, et à revoir ses anciennes connaissances. Pour ne pas manquer à sa résolution, il se contenta, le soir de son arrivée, de faire remettre à leurs adresses les diverses lettres que Fernand lui avait données, même celle destinée à M. de Mareuilles, bien qu’elle lui eût été particulièrement recommandée.

Luizzi comptait s’être mis ainsi à l’abri de toutes recherches, lorsque, le lendemain même de son arrivée, son valet de chambre lui annonça M. de Mareuilles. Luizzi trouva que c’était un fort beau jeune homme, fort bien mis, et voilà tout. Il se contenta de lui raconter tout simplement comme quoi il avait servi de témoin à Fernand ; mais il était décidé quelque part que Luizzi ne se débarrasserait pas aussi aisément qu’il le pensait de ce qui tenait au Diable, même par un fil imperceptible. Ainsi, ce M. de Mareuilles, ami de ce Fernand dont le Diable s’était emparé, se prit d’une véritable passion pour Luizzi, et, comme le pauvre baron était l’homme du monde qui savait le moins se débarrasser d’un ennuyeux, il se laissa volontiers accompagner toute la journée par sa nouvelle connaissance au Café de Paris, aux Italiens, au bois, partout où vivent les hommes qui n’ont de monde que les hommes. En même temps il se laissa conduire dans une maison où M. de Mareuilles était reçu, et bientôt il pensa que le hasard l’avait parfaitement servi en le mettant en rapport avec un bon garçon fort riche, fort noble et fort niais, mais qui l’introduisait dans des salons où lui, Armand, était parfaitement inconnu, et dont la fréquentation ne pouvait que le faire considérer comme un homme d’une vie régulière et à l’abri de tout reproche. Il ne se doutait pas que dans ce monde, aussi bien que dans tout autre, il se présenterait à lui des occasions qui exciteraient sa curiosité et le remettraient aux griffes de Satan, et que dans sa position il valait encore mieux, pour lui, vivre avec le vice qui marche le front nu, qu’avec celui qui s’ha-