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Tout ce qu’Armand fit pour découvrir de nouveaux renseignements dans ses papiers ne servit qu’à l’embrouiller davantage dans cet inextricable dédale d’aventures où il était mêlé. Il lui restait la ressource d’appeler Satan pour lui demander l’explication de ce qu’il venait de lire, mais, outre qu’il n’était pas sûr de l’obtenir, il ne se sentait pas en humeur de recommencer cette vie incessamment agitée qui ne lui avait pas laissé un instant de réflexion. Il remit à son arrivée à Paris à apprendre ce qui était advenu de sa dénonciation contre la famille Buré, comment il avait répondu à la provocation de M. Dilois, et pourquoi madame Dilois l’appelait Armand comme s’il eût été son frère ou son amant.

— Ma foi, se dit-il en lui-même, ce serait une assez drôle de chose que, dans cette époque de ma vie dont je n’ai aucun souvenir, j’eusse été l’amant de madame Dilois ! J’en suis bien capable. Probablement j’aurai cherché à me faire pardonner ma sotte indiscrétion, et j’aurai obtenu plus que mon pardon. C’est qu’elle est belle et jolie comme un ange, madame Dilois, et j’ai dû être bien heureux ! Comment diable cela s’est-il fait ? En vérité, c’est une chose odieuse que ma situation ! n’avoir pas même le souvenir d’un bonheur qui a dû être plein de charmes par l’immensité des torts que j’avais eus envers cette femme !

S’éprenant de cette idée, il ajouta :

— Pardieu, je veux un jour m’en donner la joie. Obtenir une femme dont on a blessé la vanité et l’amour ou perdu la position, ce doit être un triomphe adorable. Et si je retrouve certes jamais madame Dilois, je veux la ramener à moi, je veux… à moins que cela ne soit déjà fait.

Puis il s’écria avec impatience :

— Oui, vraiment, c’est déplorable, et je consens à ce que le diable m’emporte, si jamais je lui donne un seul jour de ma vie, eût-il à me raconter des histoires aussi effrayantes que celles du révérend Mathurin, ou aussi ennuyeuses que les contes du vénérable M. de Bouilly !

— Je retiens ta parole, dit une voix qui sembla entrer par une portière et sortir par l’autre, et qui épouvanta tellement Luizzi qu’il n’osa plus, pendant près de deux heures, ni bouger, ni parler, ni penser.

Cependant il continua son voyage sans rencontre fâcheuse, et, le 25 février 182., il entra dans Paris, bien décidé à ne plus s’occuper de ce qui s’était passé à Toulouse, à vivre de sa vie passée, et à laisser au hasard le soin de lui découvrir