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« Monsieur le baron,

« Les faits que vous nous annoncez sont d’une telle gravité que j’ai dû en référer à monsieur le procureur général près la cour royale de Toulouse. Une femme enfermée depuis sept ans dans une prison, sans que personne en ait jamais eu le moindre soupçon, est une chose qui passe toute croyance. Dès que j’aurai reçu de monsieur le procureur général une réponse pour savoir ce que je dois penser des avis que vous me donnez, je vous transmettrai sa réponse.

« J’ai l’honneur d’être, etc. »


— Oh ! oh ! fit Luizzi, il paraît que j’ai dénoncé le capitaine Félix ; allons, voyons ce qui est arrivé de cette affaire. Il chercha dans son portefeuille, et il ouvrit une lettre qui commençait ainsi :


« Monsieur, vous êtes un infâme… »


— C’est le capitaine Félix probablement, se dit Luizzi, et il m’accuse de ce que je n’ai pas voulu laisser son crime impuni…


« Vous m’avez fait tuer un jeune homme et déshonorer une femme qui portait mon nom ; si vous n’êtes pas un lâche, vous me rendrez raison de votre indigne conduite.

« Signé : Dilois. »


Cette seconde lettre rendit Luizzi beaucoup plus soucieux que la première, et il désira savoir comment il avait répondu à cette provocation. Pour cela, il chercha dans le portefeuille une lettre qui l’instruisît du résultat de cette affaire ; mais il n’y trouva autre chose que des comptes passés avec ses agents d’affaires et son intendant. Il lui sembla, en les examinant qu’il n’avait point du tout négligé ses intérêts et les avait assurés d’une manière qui l’étonna lui-même. Tout en parcourant, tout en triant ses nombreux papiers, il découvrit dans un coin un fragment de lettre brûlée au bord comme si elle avait été enlevée à la flamme d’un foyer au moment où elle allait être entièrement consumée :


« … Avant de mourir, l’infortunée Lucy m’a appris le secret de ma naissance. Fallait-il que ce fût vous, Armand, qui fussiez l’agent de ma perte et de mon déshonneur ! Le ciel est juste !

« Signé : Sophie Dilois. »