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assez généreux pour la protéger sans la perdre davantage. Mais elle avait profité de mon absence pour s’affermir, comme elle disait, la malheureuse ! dans la résolution qu’elle avait prise. Et lorsqu’elle entra dans l’oratoire où vous l’attendiez, monsieur le baron…

Mariette s’arrêta comme n’osant achever sa phrase, et Luizzi reprit lentement :

— Et lorsque l’infortunée se livra à moi au milieu de sanglots et de transports que je ne comprenais pas…

— Elle était ivre, monsieur le baron, elle était ivre !


XV


À peine Mariette avait-elle prononcé ce mot, qu’une chaise de poste, passant rapidement près d’elle et de Luizzi, les força de s’écarter aux cris de gare ! que poussait le postillon. Luizzi jeta un regard rapide dans la chaise, et reconnut Fernand et Jeannette qui en occupaient le fond. Fernand se pencha à la portière et cria à Armand sans faire arrêter ses chevaux :

— N’oubliez pas ma lettre à M. de Mareuilles, je vous la recommande ; c’est un de mes bons amis.

Luizzi crut remarquer que la mouche qui avait piqué Fernand ne l’avait point abandonné, et qu’elle avait agité et fait frémir ses ailes au moment où ce jeune homme lui avait fait sa recommandation.

Luizzi était tellement préoccupé de tout ce qu’il venait d’entendre et de tout ce qu’il avait vu, il eût payé si cher un moment de repos et de solitude pour pouvoir réfléchir à son aise, qu’il n’entendit pas le cri de surprise que poussa Mariette en voyant Jeannette dans la chaise de poste. Cependant, tout en causant ainsi, Luizzi était arrivé au sommet de la montagne, et il fallait remonter dans la diligence. Luizzi commençait à croire que le Diable se mêlait de sa vie plus que par des récits ; déjà il soupçonnait que c’était lui qui, probablement fatigué de toujours raconter, l’avait mis dans cette diligence en compagnie de Ganguernet, de l’ex-notaire