Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome I.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

vie que je ne connais pas, ne puis-je pas les embarrasser avec la leur qu’ils croient bien cachée ? Faisons vis-à-vis d’eux comme un homme intrépide vis-à-vis d’un spadassin : au lieu de parer les coups, montrons-leur toujours le bout de l’épée prêt à les percer s’ils avancent. J’en sais assez déjà sur le monsieur de Mérin pour qu’il ait besoin de ma discrétion : informons-nous des autres, et nous verrons.

Luizzi n’avait pas dit cela tout haut ; cependant le Diable lui répondit :

— Assez bien raisonné pour un homme et pour un baron ! Par qui veux-tu que je commence ?

— Par ce gros homme qui ronfle à côté de moi et que tu dis être de mes amis.



PORTRAITS.


XI

LE FARCEUR. — L’EX-NOTAIRE.


Et le Diable, ayant posé ses jambes sur la banquette de devant, répondit :

— Celui-ci s’appelle Ganguernet. C’est un de ces hommes comme chacun en a rencontré une fois dans sa vie, un de ces hommes petits, gros, rebondis, les cheveux portés droits et courts, le front bas, les yeux gris, le nez épanoui, les joues ventrues, le cou dans les épaules, les épaules dans l’estomac, l’estomac dans le ventre, le ventre sur les jambes, roulant, boulant, riant, criant ; un de ces hommes qui vous prennent la tête par derrière en vous disant : Qui çà ? qui vous ôtent votre chaise au moment où vous allez vous asseoir, qui vous tirent votre mouchoir quand vous allez vous moucher ; un de ces hommes, enfin, qui, si vous les regardez d’un air courroucé, vous répondent avec un merveilleux aplomb : Histoire de rire !

Ce monsieur Ganguernet est de Pamiers, où, jusqu’à présent, il a toujours vécu. Il sait tous les tours de son métier