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LA VOITURE PUBLIQUE.


X

RETOUR À LA VIE.


Trois heures sonnaient. Luizzi se sentit tirer par les jambes, et une rude voix d’homme lui cria :

— Allons, houp, en voiture !

Luizzi s’éveilla et se vit dans une chambre inconnue, une chambre misérable ; il sauta à bas de son lit, et se trouva plein de vigueur et de santé. Il regarda et vit sa bourse et sa sonnette sur une table ; mais où était-il ? pourquoi l’éveillait-on ? Il ouvrit la croisée. Dans une immense cour on attelait les chevaux d’une diligence. La nuit était froide. Le souvenir du passé lui revenait, et le souvenir de son marché avant tout. Armand reconnut qu’il n’était plus chez M. Buré, qu’il n’était plus à Toulouse. L’hiver durait encore, mais était-ce le même hiver et n’y en avait-il pas déjà beaucoup de passés ? Luizzi prit la misérable chandelle qu’on venait de lui apporter, et son premier soin fut de se regarder dans le petit miroir suspendu par un clou au-dessus de la petite commode en noyer de la chambre où il se trouvait. Il n’était pas trop changé, si ce n’est qu’il portait des favoris. Combien de temps le Diable m’a-t-il pris ? se dit Luizzi.

— Allons ! en voiture, en voiture ! cria la voix qui avait éveillé Armand.

Puis un homme entra.

— Comment ! pas encore habillé, vous qui étiez si pressé de partir ! Vous n’avez plus que cinq minutes. Tant pis pour vous si vous n’êtes pas prêt !

Luizzi s’habilla machinalement, avec l’instinct qu’il y avait dans sa vie une lacune dont il ne pouvait se rendre compte, mais dont il ne devait pas paraître étonné. Un domestique vint prendre son sac de nuit, et Armand le suivit en se promettant d’observer et d’agir en raison des circonstances. La nuit était parfaitement noire, et Luizzi, en montant dans la