Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome I.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment qui avait suivi cette chute. Peu à peu, Armand revint à lui et rouvrit les yeux. Tout avait disparu. Il était au pied de la fenêtre de sa chambre, par laquelle il s’était précipité, en se laissant emporter par une émotion dont il n’avait pas été le maître. Il voulut faire un effort pour se relever et courir vers le pavillon où se passait cette sanglante tragédie, mais la force lui manqua, et il retomba évanoui sur la terre.


IX

NOUVEAU MARCHÉ.


Quand Luizzi revint de son évanouissement, il se trouva couché dans la chambre qu’il occupait chez M. Buré ; une lampe veillait près de lui, un domestique était assis au chevet de son lit. Le malade fut longtemps avant de rassembler assez précisément ses souvenirs pour s’expliquer la position où il se trouvait. Peu à peu son accident et les causes de cet accident lui revinrent en mémoire, ou plutôt se présentèrent à lui comme un rêve affreux qu’il avait subi et dont la réalité ne ressortait pas encore bien nettement dans son esprit. Il se leva sur son séant pour regarder autour de lui, il sentit que la force lui manquait. Peu à peu il découvrit, aux bandages qui entouraient ses bras, qu’il avait été saigné, et, se rappelant confusément la hauteur de la fenêtre par laquelle il s’était précipité, il s’étonna de ne pas s’être tué, et craignit de s’être brisé quelque membre. Il se tâta, se remua, fit jouer les articulations, et vit avec une certaine joie qu’il n’avait souffert aucune fracture. Après ce soin donné à lui-même, Luizzi revint à penser à l’horrible scène dont il avait été témoin et dont il avait voulu prévenir l’épouvantable dénoûment. Cloué dans son lit par la douleur et la faiblesse, il chercha à voir quelque chose dont il pût s’aider, ou quelqu’un à qui il pût s’informer et donner au besoin des ordres. Ce fut alors qu’il aperçut le domestique assis au chevet du lit. Le drôle s’occupait très à son aise du soin qu’on lui avait sans doute confié de veiller sur les moindres mouvements du malade, car il lisait fort attentivement un journal, tout en se grignotant les ongles qu’il avait d’une beauté remarquable.