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riette. La seule espérance de ma vie a été l’amour de Léon, la seule espérance de ma tombe est encore son amour.

— Et cependant, il l’a trahi, lui, repartit Félix, une autre est devenue sa femme.

— Non, Félix, vous mentez. Léon n’a pas donné son cœur à une autre tant que je vis.

— Oubliez-vous que vous êtes morte pour lui et pour l’univers ?

— Alors Léon ne m’a pas trahie, et vous seul êtes coupable envers nous deux.

— Soit, j’accepte ce crime, puisqu’il rend votre espérance impossible.

— D’ailleurs, je l’ai dit, Monsieur, je ne vous crois pas ; non, Léon n’est point marié. Celui qui a pu me plonger vivante dans ce tombeau, celui qui s’est rendu plus coupable que les assassins et les empoisonneurs, celui que la loi réserve à l’échafaud, celui-là n’aura pas reculé devant des mensonges écrits, des lettres supposées, pour m’apporter une douleur de plus.

— Il y a des choses, Henriette, qu’il est impossible de falsifier, ce sont les jugements des tribunaux. Bientôt je vous apporterai celui qui condamne Léon Lannois aux travaux forcés, et alors nous verrons si vous garderez cet amour dont vous faites une vertu.

— Ce que vous me dites fût-il vrai, s’écria Henriette, je mourrais dans cette tombe et avec cet amour ; et si quelque hasard devait m’arracher d’ici, dussé-je trouver Léon infidèle et déshonoré, je l’aimerais à côté de sa nouvelle épouse, je l’aimerais dans les fers honteux dont il serait chargé.

— Henriette, reprit Félix d’un air sombre et en promenant autour de lui un regard farouche, ne comprenez-vous pas que l’heure de la patience est près de finir, et qu’il faut que votre destinée s’accomplisse ?

— L’heure de la patience n’a pas été plus longue que celle de la douleur, et si ma destinée est de mourir sans revoir le jour, faites qu’elle s’accomplisse à l’instant même ; car si vous êtes las de me torturer, je suis lasse de souffrir, et la mort sera sans doute le seul terme où s’arrêtera cette souffrance.

— Henriette, reprit Félix, écoutez-moi bien ! Une dernière fois je vous offre la vie ; je vous ai trompée quand je vous ai dit que vous passiez pour morte ; le mot que j’ai dit de-