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le vampire.

— C’est-à-dire ?…

— C’est-à-dire, que les habitants du Lanarkshire ne se trompent peut-être pas, monsieur de Rolleboise.

Les yeux de l’Anglais étaient posés sur ceux du jeune homme comme un fer rouge sur une plaie. Sous l’influence d’un magnétisme puissant, Robert ne pouvait détourner les siens. Horatio continua :

— Voyons, Robert, voulez-vous être un vampire ?

Par un effort violent, de Rolleboise se détacha de l’action de cet homme, comme un dormeur ivre qui se débat sous le cauchemar qui le tient à la gorge, et s’écria d’une voix sourde et contenue :

— Non, jamais !

— Vous ne désirez donc plus revoir la magnifique Mathilde ? dit le lord avec une aisance et un laisser-aller railleurs ; vous voulez donc à vingt ans quitter la vie sans avoir exprimé tout le fiel de votre cœur, avant d’avoir rendu mépris pour mépris ?… Ah ! jeune homme, c’est cependant une bien belle femme, une brune aux passions splendides, aux embrassements frénétiques… Vous renonceriez à la réalité ayant encore dans votre oreille l’écho de cette voix amoureusement timbrée, après avoir reçu dans votre imagination ardente ses paroles d’amour, vous rejetteriez dans l’abime du néant ses caresses enivrantes, ses extases !…

— Silence ! s’écria Robert qu’un terrible souvenir couvrit d’une sueur froide et en se redressant tout debout comme galvanisé.

Mais l’empire irrésistible qu’exerçait sur lui Horatio le fît redescendre lentement sur son siège, où il retomba lourdement, comme terrassé. Par son ivresse, il voyait