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le vampire.

passée du gentleman. M. de Bassens, à qui certes on ne doit pas reprocher un caractère trop expansif, est moins morne que vous.

— Il ne faut pas accepter la première apparence d’un homme. — C’est là-dessus que j’ai beaucoup réfléchi, cette nuit, madame.

De Rolleboise sortit. Sans se dire un mot, sans détourner son regard fixe, il marcha devant lui. Sa pensée était active et bouillonnante car son pas se précipitait. Après avoir traversé le plateau de la Hève, il se trouva sur le bord de la falaise, en face de la mer plaine et verte. Les bras croisés, son œil errant hagard sur les anfractuosités des dunes, il se parla ainsi lentement.

— Pendant douze mois, j’ai aimé cette femme, je me suis distrait de toute autre pensée pour elle, pour elle j’ai plongé ma vie dans un rêve idéal et chimérique, et hier soir elle traitait cet amour de folie !… cette passion de fièvre !… Oh ! oui, bien fous, bien insensés en effet, de nous attacher ainsi par le cœur, à une femme, cette raillerie de Dieu !… Je le dis ici, froidement, sans colère, je ne l’aime pas, je ne la hais pas, je ne la méprise pas, mais n’importe, je paierais cher la joie de la tenir un jour à mes pieds ployée et suppliante et de n’avoir pas pitié !… Et, je m’effrayais de ma témérité et de mon bonheur, et je croyais à cette scène de chant, tandis que tout cela n’était qu’une comédie dont je suis l’idiot, le bouffon dont on se raille !…

Sa course comme son esprit était en désordre et n’avait pas de but. Mais pour contrebalancer le trouble de son cerveau, il fallait maintenir son corps en mouvement, et lui donner la fièvre. Il descendit les falaises, sans pré-