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le vampire.

À ce moment un reproche lui cingla le cœur. Il allait déshonorer un homme, perdre une femme, peut-être. Caché, il avait attendu au détour d’une ruelle, l’occasion propice pour voler l’amour d’un vieillard !… Mais, hélas ! toute pensée de sagesse murmurait bien bas en face des bouillonnements de sa fièvre !… Mathilde entra.

— Lucrèce, ouvrez ces fenêtres ; la nuit est magnifique.

Dans le plus grand silence de sa satisfaction intérieure, Robert s’applaudit d’avoir repoussé le refuge des rideaux des croisées.

— Je n’ai pas aperçu M. de Rolleboise.

— Madame, je crois l’avoir vu monter, il y a une heure. Je n’aperçois pas de lumière chez lui ; il est sans doute couché.

— Qui monte en voiture, dans la cour ?…

— C’est M. Mackinguss.

— Je me coucherai tard ; laissez-moi, Lucrèce.

— Madame n’aura besoin de rien cette nuit ?…

— Non, je me déshabillerai seule. Et puis, vous me réveillez chaque matin dans le meilleur de mon sommeil.

— J’attendrai les ordres de madame.

— Ne venez que lorsque je sonnerai.

La vicomtesse demeurée seule s’appuya à la fenêtre. Robert, haletant, et remerciant l’enfer de toutes ces dispositions favorables, allait se montrer. Mais la jeune femme parla. Un monologue de femme est toujours utile à entendre.

— Il est minuit passé. Toutes les fenêtres sont tombées dans la nuit, les domestiques dorment, je vais l’attendre.