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le vampire.

Robert se pénétrait du vaste effet de ce tableau, mais ne l’admirait pas. Tout entier à son amour, il n’avait point le loisir de gaspiller ses heures en rêveries stériles. D’ailleurs, il savait que, bien qu’il ressentit souvent l’influence d’une poésie, il n’était pas pour cela poète. Puis, sa passion crudescente avait atteint un paroxysme tellement matériel, la joie physique devenait si tangible, que le rêve et l’illusion étaient restés bien en-deçà derrière lui.

Les deux croisées du salon étaient ouvertes l’une et l’autre. En portant son regard au hazard autour de lui, Robert distingua à la fenêtre contiguë une tête, une tête de femme. Aussitôt une des croisées fut abandonnée. — Dès que la vicomtesse s’aperçut de la présence du jeune homme, elle fit geste de se retirer. Celui-ci la retint.

— Oh ! non, ne partez pas !… Ne jetez pas ainsi le désespoir dans mon cœur enivré !… — Restez là, seule avec ce paysage qui s’étend en face, et que je sois heureux !…

— Pauvre Robert, toujours la même folie !…

— Toujours le même amour, toujours la même joie quand j’approche de vous !… Oh ! croyez-le, cette grande passion, cette foi fervente que mon âme a mise en vous, n’est pas un vain caprice, une simple fantaisie de jeune homme !… C’est toute ma vie dont votre tête est assumée. Ah ! cela vous fait sourire… et, cependant, madame, par vous je puis vivre ou mourir. — Ne croyez point surtout que je vous dise tout ce que mon cœur ressent, que je vous peigne tous les vertiges dont ma tête bouillonne, oh ! non, je ne le pourrais !… Car, je ne sais ex-