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le vampire.

— Vous voudrez bien m’avouer, cependant, que pour prendre une femme d’un âge si disproportionné au sien, il faut être ou bien généreux, ou bien présomptueux. Mais, comme vous l’avez à peu près dit tout à l’heure, la femme est d’une nature si malléable, si prête à épouser l’avis de celui qui lui parle, qu’il est facile de lui persuader que les meilleurs maris sont les vieillards. C’est une consolation pour nos vieux jours.

La causerie continua encore quelques instants sur des digressions tout à fait étrangères à notre récit, et, bien que nous puissions en agir autrement, nous n’en fatiguerons pas le lecteur.

Après que M. de Bassens eut quitté l’appartement, M. de Rolleboise rentra dans sa chambre à coucher, s’assit sur le canapé qu’avait occupé la lorette, et son esprit se livra à une rêverie souriante à son cœur, car elle le conduisit bien avant dans la nuit. Quand sa pensée fut revenue de sa course vagabonde, ses yeux tombèrent sur un tout petit calepin placé dans les plis d’un coussin. Ce ne pouvait appartenir qu’à la femme qui s’y était assise. Un moment il le regarda, indécis s’il l’ouvrirait ; mais, réfléchissant qu’il ne devait plus revoir cette personne, il se permit d’y chercher quelques explications à ses manières fantasques. Ce calepin ne contenait qu’une lettre, vieillie, usée, salie même à force d’avoir été lue. Elle était écrite en langue anglaise. De Rolleboise, homme du midi, ne connaissait pas un mot de cette langue. Cette lettre commençait ainsi : My dearest daughter ; et portait pour signature : Helena, duchess of Firstland.