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le vampire.

rechercher dans les mille cases du passé le souvenir de cet homme.

— Monsieur…, — son regard en cet instant se porta sur la carte qu’il tenait à la main, — Monsieur André de Bassens, j’ai besoin de toutes mes excuses, car vous m’êtes étranger, et, néanmoins, une personne qui vient de me quitter sur l’heure, m’a forcé de vous faire beaucoup trop attendre.

— Monsieur, le moment auquel je me présente et l’obstination que j’ai mise à vous voir, réclameraient bien plutôt comme délits de convenance. Nous ne nous sommes rencontrés qu’une seule fois. Il y a deux mois, j’eus l’avantage de passer la soirée avec monsieur de Rolleboise, à Cauterets. Nous nous trouvâmes ensemble à une table de bouillotte. Je suis très maladroit au jeu. Je perdis ainsi quelque argent avec vous, dont cinquante louis sur parole. J’avais votre adresse, mais le lendemain, quand je me présentai à votre hôtel, on me répondit que monsieur de Rolleboise était parti depuis le jour.

L’étranger, après ces paroles, posa un rouleau d’or sur la table. C’était un homme de trente ans ; sa physionomie découverte offrait tous les indices de la franchise et d’une humeur facile. Mais des événements inconnus encore avaient modifié cette propension en des teintes moins claires. Les plis creusés entre ses sourcils disaient la réflexion d’un esprit souvent seul, et ses grands yeux fatigués, semblaient avoir répandu tout le feu de la passion et toutes les larmes du cœur. C’était une de ces physionomies qui, devant les hommes, passent inaper-