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le vampire.

— Je n’ai jamais eu d’amant, monsieur !… Oh ! je suis folle de parler ainsi, car vous ne pouvez me comprendre. Et, cependant, depuis bien des jours je cherchais un visage comme le vôtre, sur lequel existât un intérêt sympathique, une voix qui n’apportât aucun doute à mon âme. Je vous rencontrai et vous choisis. Je devais tout vous dire. Oh ! j’avais ramassé en moi toute l’énergie de la volonté, tout le courage du cœur !… Mais, maintenant, je suis vaincue, il est trop tard !…

— Que vouliez-vous donc me dire ?

— Non, continua-t-elle comme égarée et s’arrêtant après chaque mot, non, je ne parlerai pas… parce que si je parlais, je mourrais. Ma phrase serait à peine finie que ma vie serait éteinte. Non, je n’ai pas le courage d’affronter cette lutte !… Adieu, monsieur, je pars !…

— Vous êtes folle, peut-être !… fit tout à coup celui l’écoutait avec un sentiment d’effroi.

— Folle !… reprit-elle en découvrant son visage en ce moment tranquille. Oui, c’est vrai, je devrais être folle, mais je ne le serai peut-être pas avant de mourir !

Le jeune homme la regarda un moment en silence. Mais voyant qu’il n’y avait rien à découvrir des secrets de cette femme, son regard retomba dans le vague, et sans doute sa pensée retourna aux lieux qu’ils avaient quittés car il lui dit après un court moment de réflexion :

— Pardonnez-moi, madame, si je reviens sur un sujet que nous devrions plutôt oublier l’un et l’autre. Parmi tous ces hommes attablés avec nous, un seul ne buvait pas, un seul ne parlait à aucune femme. Sa bouche n’exprimait que le dédain.

— C’est Horatio.