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le vampire.

un regard mêlé de reproche et d’étonnement. Vous ne répugnez donc pas à apporter dans une atmosphère impure le souvenir d’une personne que vous n’oseriez y nommer peut-être ?

— Non ; lorsque je sors de là j’aime davantage.

— Oui, quand on vient du dehors par le froid, on sent mieux les douceurs de l’abri.

La jeune femme se leva. — Mais une main l’invita à reprendre sa place.

— Écoutez, ma chère enfant, j’ai vu dans ma vie de jeune homme bien des femmes de votre nature, caractères insouciants et étranges, mais je les comprenais aussitôt. Tandis que je rencontre en vous un certain esprit distinctif, inexpliqué. Vous êtes belle, mais triste. Il y a dans ce sourire qui peut à peine éclore la tache d’une larme. Pendant le souper, quand ce beau vieillard couvert de cheveux blancs a entonné une chanson obscène, toutes les autres femmes sont demeurées sérieuses, les jeunes gens, souffraient, mais, vous, vous avez rougi. — Lorsque mes yeux descendent sur votre visage, vos paupières se baissent ; si ma main approche, votre bras la repousse. Cependant, vous êtes une lorette !…

— Une lorette !… fit-elle d’une voix répulsive. Puis, ses yeux errèrent autour de la chambre, et elle ajouta dans un rire nerveux qu’elle ne put dompter : — Oui, c’est vrai, je suis une lorette !…

— Vous vivez seule ?

— Non, je suis avec un homme.

— Votre… père ?

— Non.

— Votre amant ?…