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le vampire.

cer proche de cette femme silencieuse dont le regard paraissait indifférent aux choses qui l’entouraient.

— Mon dieu, ma chère dame, j’ai à votre égard de grands torts à réparer.

— Mais, pas le moins du monde, monsieur. Vous m’avez aperçue à votre côté pendant ce souper. Vous m’avez adressé la parole par hasard ; je vous ai répondu. Vous m’avez invitée à vous suivre ; je vous ai suivi.

— Je le sais. Mais, oublieux et distrait, je ne vous ai pas demandé le lieu de votre demeure, et mon cocher m’a naturellement conduit chez moi. Heureusement que le coupé est encore au bas de l’escalier. Je vais faire prévenir…

Et, disant ces mots, il tendait le bras vers le cordon. Mais avant que sa main eut fait le mouvement, son regard tomba sur le visage de la jeune femme. Ce visage exprimait un sourire d’un sentiment si étrange que sa main retomba tout aussitôt près de lui.

— En effet, reprit-il, vous devez juger mes manières bien bizarres. Mais hélas ! il est une sorte de femmes dont le caractère m’est devenu si familier, que j’ai perdu tout amour-propre auprès d’elles.

— C’est vrai, la vanité s’éteint devant ce qu’on dédaigne. — Vous avez donc beaucoup aimé ?

— Beaucoup, une seule fois.

La physionomie du jeune homme se perdit aussitôt pour sa compagne dans les dédales d’un souvenir inconnu.

— Vous aimez beaucoup aujourd’hui, et vous venez parmi le monde d’où nous sortons, au milieu d’hommes sans mœurs et de femmes perdues !… articula-t-elle avec