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LE VAMPIRE.

ment !… Ce jeune homme ne se doute point que ma rencontre l’a jeté dans un cercle nouveau, dans une voie qui l’épouvanterait s’il pouvait mesurer de l’œil toute sa perspective. Le voici donc lié à moi ; car je le reverrai. Oui, je le reverrai chez cette femme, Mathilde, madame de Lormont, dont il est amoureux, le pauvre garçon !…

Minuit !… Allons, Horatio va dormir… car vous dormez sans doute, monsieur de Rolleboise, et, vous aussi, Amadeus Harriss, vous aussi, fière et dédaigneuse Olivia, vous aussi, vieux duc de Firstland… Vous reposez tranquilles, sans pressentiments ; et, si l’on venait vous dire que ce bon Horatio, bien loin de vous, dans une petite ville de France, veille et pense à vous, qu’il a dans sa main les fils invisibles qui doivent vous réunir, les moyens les plus improbables qui vous mettront à sa merci. Certes, vous écarteriez bien vite ce songe insensé, ce cauchemar mauvais, et vous vous rendormiriez dans un nouveau rêve, effacés l’un et l’autre par le retour du jour. Ah ! vieux duc, Olivia, Amadeus, dormez, dormez !…

Le hasard, disais-je tout à l’heure ; mais, de même que pour certains hommes il se rencontre fortuitement dans la vie des jours de succès inattendus, il doit y avoir aussi, par l’effet de ce même hasard, il doit y avoir, dis-je, des existences entières qui ne se heurtent jamais aux obstacles : je suis de ces hommes… je suis le soldat qui traverse sain et sauf la mitraille de l’ennemi où cent de ses camarades tombent.

Allons, Mont-Dore, ne grognez pas ainsi, ce n’est pas à vous que je parle.

Oui, j’ai ressenti ce soir une âcre volupté à revenir