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le vampire.

— Ah ! vous croyez que je vais vous dire une de ces faveurs qui se comptent comme nécessaires au bonheur !… Non pas, vicomte, non pas… Un jour, dans un couloir, j’osai…

— Lui offrir une fleur ?

— Non, pas autant… j’osai lui prendre la main… cette main elle ne la retira pas… et, pendant un instant, nous demeurâmes ainsi, sans un mot, sans un geste !… Oh ! si le ciel eût voulu, sur cette seconde bien-heureuse, arrêter le cours du temps et prolonger mon extase !… Mais, non, elle partit !…

— Admirable, mon cher Robert !… Je m’applaudis de vous voir tout aussi égoïste que les amants de théâtre !… En effet, ne serait-il pas charmant que le ciel vous écoutât !… Et, ce ne pourrait être que très agréable pour beaucoup !… Ainsi, un dentiste se dispose à me priver d’une dent malade ; aux premiers craquements des racines, alors que toute ma mâchoire s’ébranle, au lieu de hâter l’extraction, l’opérateur s’arrête sur cette douleur et fait continuer mon supplice. Je blasphème. — « Ah ! monsieur, me dit-il complaisamment, un peu de patience, c’est votre ami, M. de Rolleboise qui a obtenu que le temps s’arrêtât sur un moment très heureux qui vient de lui écheoir. Ce ne sera pas long, » — Elle est très jolie votre idée, Robert, très jolie !… — Enfin, Mme de Lormont a quitté les eaux, et vous vous empressez aussitôt de la suivre à Paris. Vous êtes bien jeune !…

— Vous êtes bien vieux, vicomte !…

— Enfin, nous deviserons plus au long sur ce sujet pendant notre voyage. Car, je pense que vous serez assez aimable pour accepter une place dans ma voiture.