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le vampire.

point laissé de lui accorder cette sorte d’intérêt que vous suscite toujours l’aspect d’une jeune et belle femme à la suite d’un vieux mari. Car M. de Lormont pourrait bien être son père. Néanmoins, n’étant nullement amoureux, Dieu m’en garde, j’ai pu remarquer à mon aise.

— Ah ! vous allez me torturer le cœur !… Mais, n’importe, parlez.

— Ne vous effrayez donc pas de la jalousie. Plonger ce sentiment glouton dans l’âme, c’est jeter une fascine dans la fournaise. La flamme n’en est que plus active. Toutefois, je rejetterai loin de moi l’idée de vous offrir l’ombre d’un soupçon. En un mot, ce qui froisse mon esprit quand je me reporte vers ces hôtes, d’ailleurs très aimables, c’est cette pénombre mystérieuse dont ils s’enveloppaient.

— Cette réflexion ne m’est jamais venue.

— Je le crois bien ; vous avez un bandeau sur les yeux !… — Sans cela, si vous aviez voulu observer, vous auriez été frappé de l’art avec lequel la conversation était maintenue hors de certains sujets. Souvent dans une discussion en apparence insignifiante, un mot du mari rejetait l’attention sur un autre point, un geste de la femme distrayait les parleurs. J’ai vu madame pâlir à une seule parole, frissonner à une exclamation, à un simple bruit de porte qu’on ouvrait. Sur les tables jamais un journal, jamais non plus n’était adressée à celui qui entrait cette banalité d’usage : Qu’y a-t-il de nouveau ?… Aussi, je vous le répète avec conviction, entre ces deux personnes il existe un grand secret, un grand mystère !…

— Je connais des gens qui, à ma place, offriraient toutes ces remarques comme un aliment à leur esprit in-