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le vampire.

reçus de ses lettres, de quelle manière il me forçait à les prendre ; vous connaissez ces moyens. Longtemps je ne lui répondis pas. Enfin, un matin, pendant que ma bonne revenait pour prendre dans ma chambre mes Heures oubliées, je jetai furtivement une lettre à la poste.

Je n’aimai pas cet homme ; je ne l’ai jamais aimé. Mais j’étais très jeune fille ; je ne voyais que lui ; mon existence était tellement inoccupée qu’il m’était impossible de ne pas y penser quelquefois. Enfin, je vous le répète, je ne l’ai jamais aimé ; je le dis avec d’autant plus de vérité et de franchise que je reconnais que cet homme était beau. En un mot, il fascinait ; je le craignais. Eh bien, monsieur, cet homme s’empara tellement de moi, paralysa tellement ma volonté, que j’eus peur ; je le trompai, je lui dis un jour que je l’aimais ! Oh ! il se servit d’un moyen infernal ! Écoutez. Je lui avais répondu, vous ai-je dit, je lui avais demandé de me laisser à ma jeunesse, à ma tranquillité d’ame, d’avoir pitié de moi. Une lettre, vous le voyez, des plus imprudentes de la part d’une enfant. Il me demanda un rendez-vous. Lorsque je le rencontrai, mon regard dut lui dire combien j’avais été blessée d’une semblable demande. Au lieu de m’offrir ses excuses, il exigea. Je déchirai sa lettre avec colère.

C’était pendant mai. Nous allions chaque soir au Mois de Marie. Horatio s’y trouvait chaque soir. Une fois, je remarquai sur son visage une expression qui me fit froid. Un sourire indéfinissable errait sur ses lèvres, ses yeux me tenaient captive et m’empêchaient de prier. La bénédiction donnée, je me levai aussitôt, car je n’osais pas rester des dernières personnes dans l’église. À la porte, il s’approcha de moi ; je sentis qu’il voulait me donner une