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le vampire.

— N’avez-vous pas connu encore dans cette même ville une madame Noirtier dont le fils a été tué en duel il y a peut-être quatre ans ?

— Noirtier… non… pourtant, je crois me rappeler qu’il fut question, à l’époque des eaux, à Cauterets, d’un duel qui fit quelques bruits à Montpellier. Mais, comme cela ne touchait personne que je connusse, j’y arrêtais peu mon attention. Je reviens à ce qui me regarde. Je vous en supplie, ne m’interrompez plus, laissez-moi dire cela bien vite, car cela me coûte au-delà de ce que vous pouvez croire. J’avais seize ans. Je vivais dans la maison de mon père, isolée, n’ayant qu’une vieille parente pour compagne, car je venais de perdre ma mère. Je sortais peu ; mais nous allions régulièrement à l’église. Lorsque ma tante ne pouvait venir avec moi, une bonne m’accompagnait. Les villes de province, surtout les petites villes, vous le savez, ont une population si peu remuée, que tout le monde se connaît de vue. Depuis quelques jours j’avais remarqué dans le trajet de notre maison à l’église un homme ; je ne dis pas un jeune homme, bien que son âge fut à peu près le même que le vôtre aujourd’hui ; l’expression de sa figure n’avait pas de jeunesse ; et je ne parle pas ici du physique, seulement de la physionomie. Ma tante me dit son nom. C’était un étranger qui venait souvent dans le pays, surtout l’hiver. On le nommait monsieur Horatio Mackinguss. Cet homme m’avait remarquée. Son regard ne me troublait pas, mais me pesait. Sa rencontre m’inquiétait. Je pressentais que pour aimer une jeune fille, pour exprimer des paroles d’amour, celui qui me considérait ainsi devait revenir sur ses pas.

Je ne m’amuserai point à vous expliquer comment je