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le vampire.

matin, j’étais à Ostende. Tout en mangeant des huîtres à mon déjeuner, occupation interrompue de fois à autre par des mots d’humeur, car ma colère suivait son cours ; je fus accosté par un gentleman qui me connaissait. Il me dit qu’il allait à Hambourg manger du bœuf à l’écarlate. Je l’accompagnai. De Hambourg nous fûmes à Rome, de Rome à Naples, de Naples à Constantinople. Là, nous quittâmes l’Europe et entrâmes dans l’Asie. Enfin, un jour, à Calcutta, trois ans après mon brusque départ de Douvres, ma mauvaise humeur contre miss Arabella commença à s’apaiser. Je songeai même au retour. En effet, deux ans après avoir quitté Calcutta, ayant séjourné en Afrique, en Espagne et en France, je revins à Douvres. Grâce à cette absence de cinq années, je m’attendais à retrouver miss Arabella enlaidie, et cette espérance me souriait ; car, il en est des femmes comme du Roquefort, plus il est vieux, plus il est excitant. C’était le soir. Je rentrai tout confus de ma petite escapade. « Ah ! ah ! me dit aussitôt la pauvre miss, je savais bien que vous ne tarderiez pas à revenir. Allons, boudeur, venez finir votre tasse de thé, et remerciez moi de l’avoir maintenue chaude. » Et voici le seul voyage que j’aie fait dans ma vie.

Comme le baronet ne parlait plus, Horatio lui dit avec le plus grand sang-froid :

— Je vous écoute encore, sir James.

Sans nullement s’inquiéter de cette étrange complaisance, l’humoriste revint à sa bouteille de Xérès dans laquelle il commençait à se faire grand vide.

— Mylord, je viens vous demander de l’argent.

— Je vous ai déjà dit que je ne vous en dois pas.