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le vampire.

argentines des pièces d’or en tel nombre qu’il se plaisait à les ranger en véliottes.

Un homme avait suivi les gestes de la comtesse. Les yeux froids de cet homme s’étaient arrêtés longtemps sur les mains de Raoul qui s’agitaient dans l’ombre, mettant la bourse vide dans une poche et le mouchoir autre part. C’était le docteur Nohé-Nahm. Appuyé seul contre la cheminée, il considérait le jeu de son protégé mais ne parlait pas.

Depuis vingt ans, la femme qu’il avait aimée, avait reçu de lui la preuve d’une affection vraie, mais jamais la moindre démonstration intime. Il l’avait aidée dans le cours difficile de la vie, sans une parole d’encouragement, sans un sourire monté du cœur. Enfant, Raoul ne reçut jamais une caresse ni un baiser de lui ; jeune homme, il ne lui serra jamais la main. Raoul recevait la parole de Nohé-Nahm plutôt comme un ordre que comme un conseil. — Un esprit romanesque eut soupçonné un mystère dans le cœur de cet être impassible, mais les personnes qui le connaissaient étaient parfaitement saines d’esprit.

Lorsque Raoul quitta le jeu, il se trouva si riche qu’il ne savait où nicher son or. Il lui fut donc facile de rendre furtivement à sa cousine sa bourse telle qu’il l’avait reçue, en lui glissant dans l’oreille un merci brûlant. Il ne lui remit pas le mouchoir. Mathilde ne le réclama pas. Ni l’un ni l’autre n’y pensèrent peut-être. Cependant, il est bon de soupçonner que la raison vraie qui empêcha Raoul de le joindre à la bourse, c’est qu’il y pensait trop.

Retiré dans sa chambre de nuit, notre jouvenceau eut