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le vampire.

plus de sagesse je vous retire ma protection. Écoutez, voici les flambeaux qu’on apporte ; on va ouvrir les tables de jeu ; afin de ne point vous trouver dans une inoccupation remarquée, prenez place à l’une d’elles.

L’entretien sur les chiens ne donnant plus d’intérêt, on se disposa à prendre les cartes. Mathilde, armée de son plus riche sourire, indiqua un fauteuil à Raoul en face du propriétaire à côté duquel il avait diné.

Il est probable que la culture des champs donne un meilleur rapport que celle de l’esprit, car le partenaire de Raoul s’apprêtait à jouer fort jeu. Il y avait sur les tables plus d’or que d’argent. La physionomie du jeune homme se couvrit tout-à-coup des teintes de l’embarras. Ses oreilles rougies lui sifflaient dans la tête. Ses yeux se portèrent avec anxiété sur les autres tables où ne blanchoyait pas le moindre bourgeois écu de cent sols. Et Valérie, la mère pauvre, n’avait glissé dans la poche de son fils que deux pièces de cinq francs !…

Les femmes ne pensent pas d’abord à tout, mais en revanche, quand elles veulent, elles devinent tout. Mathilde comprit la situation du jeune homme et en souffrit. Aussi, tout en donnant la réplique à une causerie indifférente, elle passa près de Raoul et lui glissa dans la main son mouchoir. Celui-ci déplia ce mouchoir sous la table. Il contenait une bourse. Le regard du jeune homme, bien qu’un peu confus, se porta reconnaissant sur celui de sa belle cousine.

Raoul connaissait très-bien le jeu. Aussi, après avoir battu le premier propriétaire, il en mit un second hors de combat, puis un fier hobereau et enfin un gros notaire. Sous sa main caquetaient joyeuses, de leurs voix