Page:Sorr - Le vampire, 1852.djvu/329

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
325
le vampire.

ma mémoire ne se sent pas le courage de descendre.

Bien plutôt, laissez moi vous dire une vision qui éclaira mon ame d’espérance et de foi. C’est à peine s’il y a un an. Un soir, Antarès m’annonça notre départ. Le lendemain, nous partions. Il ne me parla point le long de la route, et quand je lui demandai où nous allions, il ne me répondit pas. Nous traversâmes la mer en peu d’heures, et cette circonstance, jointe à celle qui me fit reconnaître chez ceux que nous rencontrions la langue maternelle, me dit que nous étions en Angleterre. Nous nous arrêtâmes à Londres. J’y demeurai huit jours cachée à tous les yeux. Puis, un soir, on me fit monter seule dans une voiture qui m’emporta.

C’était la nuit. Nous roulions à toute vitesse dans les rues de Londres. Seule dans la voiture, je me penchai à la portière, regardant les maisons, suivant de l’œil les quelques rares passants qui se trouvaient sur notre passage, et pensant à mon père qui, peut-être, habitait cette ville que je traversais alors, tandis qu’il me croyait morte. Puis, par cette action des âmes qui vivent plus par l’inconnu que par la réalité, je m’attachai à le chercher dans la nuit, dans le vide, dans le noir des maisons. Ce que je vous dis là est une bien grande étrangeté d’esprit, n’est-ce pas !… Eh bien ! je ne sais si ce fut une création imaginaire, un produit de la fixité de mon cerveau, mais, tout à coup, dans l’obscurité, à une fenêtre faiblement éclairée…

— Eh bien !…

— Eh bien ! j’aperçus mon père ! — mon père qui tendit vers moi sa main, comme pour m’arrêter… Je