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le vampire.

chaient point à la table. J’entendis comme un râle, puis, mes yeux se faisant aux ténèbres, je distinguai aux faibles lueurs qu’envoyait la lune, un corps qui s’agitait. Ma position était horrible. Je me tordais dans mes liens. Je criai au secours. Inutile. Les mouvements cessèrent, mon bourreau n’était plus qu’un cadavre.

Je passai une nuit horrible en face de cette femme morte, dans cette salle où la neige, entrant par les grandes fenêtres, me glaçait. Dieu venait de faire justice et de sauver une victime ; mais je n’osai le remercier. Je priai pour l’épouse de mon père.

Les heures s’écoulaient. Seule, placée en face de ce cadavre sur la face duquel frappaient les lueurs blanches de la neige, j’eus le vertige. La frayeur me donna de nouvelles forces. Par une extrême contorsion nerveuse, je sortis un de mes bras des cordes, et, par cette main libre, me dégageai. Sans voir, trébuchant à chaque angle, frissonnant comme un halluciné qu’un spectre poursuit, je m’enfuis. Je tombai presque morte sur le seuil de la porte de la chambre de nuit où reposait mon père. J’allais entrer, l’éveiller, tout lui dire, mais une pensée m’arrêta.

Tout lui dire !… Présenter à son esprit déjà malade les détails du crime de sa femme, les angoisses que venait de souffrir sa fille… Oh ! je ne sais si vous me comprenez, mais je n’en eus point le courage ! Je passai tout le reste de la nuit en prières.

Le lendemain, tout le château s’émut de la disparition de la duchesse. Je n’ose vous parler d’Olivia, ni la faire entrer dans cette scène atroce, car, et j’en remercie le ciel, si j’eus un soupçon depuis, jamais il ne dégénéra en