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le vampire.

— Écoutez, mon cousin, je suis votre aînée et votre parente, deux autorités qui me permettent de vous parler avec franchise. J’ai remarqué en vous le grand défaut de bien des jeunes gens dans le monde ; la timidité ou, si vous préférez, la défiance de soi-même. La timidité a cela de dangereux qu’elle conduit à la faiblesse, et la faiblesse est un mal incurable, a dit un philosophe. Tous ces hommes qui parlent si haut, dont les mouvements ont de l’aisance, dont la voix est assurée, ont le double de votre âge. Or, pénétrez-vous bien de cette idée que vous possédez le double de connaissances qu’eux, et qu’à leur âge la fréquentation du monde vous aura initié à des mœurs plus polies. Dans un salon ne vous laissez jamais influencer par le nombre. L’intelligence diffère tout-à-fait des chiffres ; le groupement ne l’agrandit pas. Maintenant vous êtes seul dans l’ombre, entrez au milieu de ce cercle, donnez vigoureusement à la discussion un tour nouveau et vous serez seul dans le jour.

— Merci, madame ; je comprends la justesse de vos paroles et je m’en souviendrai. D’ailleurs, je puis m’illusionner. Mais ce que vous nommez l’ombre, quand je suis près de vous, moi, je le prends pour la lumière.

La jeune comtesse rougit ; ses belles lèvres s’animèrent du rayon d’un sourire, et, abandonnant son rôle de mentor, elle reprit avec enjouement.

— Est-ce donc à l’école que vous avez appris à adresser des flatteries aux femmes, mon cousin ?…

— Non, madame, mais c’est auprès de vous que j’apprends à être vrai et à dire presque mes sentiments…

— Vous êtes un enfant, et si vous ne parlez pas avec