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le vampire.

j’espérais, jeune femme, découvrir un jour le mensonge des histoires de roman.

À cette époque, la mère d’Olivia atteignait peut-être sa quarante-cinquième année. Sa beauté s’était enfuie. C’était une écossaise ignorante de toute subtilité mondaine, qui n’avait fait qu’un voyage dans sa vie, celui de la maison de son père à celle de son mari. Notre pays est bien en retard derrière la civilisation. Les coutumes ne s’y oblitèrent pas d’un jour à l’autre. C’est une contrée morte jeune. Les usages comme les rocs y sont abruptes.

La duchesse de Firstland, en avançant dans l’âge, s’était abandonnée à une passion basse : elle buvait.

Un soir d’hiver, je venais de laisser le duc au salon, occupé à lire dans son grand livre à tranches dorées la vie de quelque saint. Après m’avoir embrassée, il m’avait retenue un moment près de lui, et, contre son habitude, à la suite d’un regard d’affection aimante, sa bouche murmura, comme cédant à un souvenir :

— Tu me rappelles toujours ta mère !…

Puis, quand il m’eut de nouveau baisée au front et souhaité un calme sommeil, je le quittai. Il faisait une nuit tourmentée. La neige couvrait la campagne et le vent la chassait jusqu’à l’intérieur des appartements. Dans un couloir ma lampe faillit s’éteindre.

Vers le milieu de ce corridor se trouvait un escalier en bois conduisant dans une partie du château qu’on n’habitait pas. Enfant, je redoutais ce passage et le traversais peureuse en me cachant dans les plis de la robe de ma bonne. Ce soir là, j’aperçus une ombre sur les marches, et malgré moi je frissonnai. C’était la duchesse, ma belle-mère, hélas ! ma marâtre !… Quand je me trouvai