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le vampire.

Les longues soirées d’hiver s’écoulaient tristes et lentes. Olivia restait avec la duchesse dans leur appartement. Mon père, assis sur son fauteuil de chêne près du foyer, lisait, me regardait avec un sourire, puis reprenait sa lecture. Il parlait peu. Il savait bien que je n’étais pas aimée, mais il n’osait me le faire comprendre, ni me plaindre.

Je me la rappelle encore cette grande et haute salle avec ses antiques armures suspendues aux murailles grises, sa large cheminée surmontée d’une couronnure de cerf, et les dalles du foyer tapissées de peaux de renards. J’étais assise sur un siège bas, aux pieds du duc ; et, quand venaient les heures qui sonnent longtemps, atteinte de sommeil, je remontais sur ma tête nue le plaid qui couvrait mes épaules. Avant de nous séparer, mon père me faisait faire la prière à côté de lui, puis, après, me baisait au front. Alors, je le quittais, et la nuit me menait au lendemain qui s’écoulait de même.

Le caractère de ma belle-mère était taciturne, faux, méchant. Oh ! ne vous étonnez pas de ce mot, j’ai le droit de le prononcer. J’avais près de dix-huit ans. Depuis quelques mois la duchesse ne me parlait plus, mais si nous nous croisions dans un couloir, je sentais qu’elle se retournait avec un regard qui m’effrayait.

Notre vie de famille s’écoulait solitaire. À peine si dans toute l’année un hôte étranger entrait dans notre demeure. Aussi, ne devinant pas le monde au-delà des forêts que nous dominions, je me contentais de ma triste vie et n’aspirais vers aucun cercle plus élargi. Je lisais. Jeune fille, j’avais reconnu que les fées des contes n’existaient pas ;