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le vampire.

— Oui.

— Mais, je suis coupable !…

— Eh bien ! Robert, je vous pardonnerai !

M. de Rolleboise baisa la main de Mlle de Firstland. Celle-ci, après s’être un moment recueillie, sa tête inclinée sur sa riche poitrine, commença à parler :

— Je suis née dans les hautes terres de l’Écosse. À quelques lieues du Fort-Auguste, dans les monts Monaghlea, s’élève le château de Firstland. Le manoir est bâti sur le plateau du dernier rocher de la montagne. Des créneaux de la haute tour on aperçoit, les jours d’été, quand l’air est pur, comme deux rubans d’argent, la Findhom et la Spey, deux rivières qui bornent le domaine. Ce sont des lieux bien sauvages ; pour rencontrer un troupeau, un montagnard drapé dans son plaid déchiré, pauvrement chaussé de brogues en loques, coiffé de la toque à plume d’aigle, il faut descendre loin dans les plaines. N’importe, je serais heureuse de revoir nos bruyères, nos lacs et nos brouillards !… La France est bien belle, Paris splendide, Londres insolente de richesses ; eh bien ! le seul séjour que je désire est celui de notre pauvre forteresse de Monaghlea !…

Pourtant, j’y ai bien souffert ; mes yeux ont répandu sous ce ciel de plomb de douloureuses larmes !… Oui, c’est vrai ; mais c’est là que repose ma mère ! ma pauvre mère, je me la rappelle à peine… c’est une ombre aimée qui traverse mes rêves, mais que la réalité ne m’a jamais montrée. J’avais trois ans lorsque mon père la perdit. Mon extrême jeunesse fut triste ; heures mélancoliques dont l’influence se ressent toujours. Enfant, je riais peu, jeune fille, je devins rêveuse. J’avais à peine atteint ma