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le vampire.

beauté, avait désenseveli son visage de cette teinte de tristesse et de douleur sous laquelle elle nous est déjà apparue dans la chambre haireuse de la rue des Quinze-Vingt. Nous l’avons quittée dans la misère dernière, nous la retrouvons à sa place, dans le comfort, sinon dans le luxe. Elle nous parait même si jolie que nous sommes fortement tentés de donner ici un dessin de son vêtement et de sa coiffure. Mais nous contiendrons cette malenvie et le lecteur en sera quitte pour l’effroi. — Ophélia était magnifiquement belle.

Quand Robert entra elle lui tendit la main avec un sourire indéfinissable.

— Je pensais à vous, monsieur de Rolleboise ; car, s’il me vient une pensée heureuse, c’est de vous qu’elle naît. Je ne sais, mais aujourd’hui je me plais en moi-même ; je me suis éveillée à l’issue d’un rêve qui m’a ramenée bien haut dans le cours de ma pauvre existence, un songe qui m’a illuminée d’un doute bienfaisant.

— Croyez aux rêves, Ophélia !…

— Oui, nous y croyons, là-bas, dans notre froide Écosse. Hélas ! la reverrai-je un jour !… Oh ! vous ne sauriez comprendre combien j’aime cette atmosphère froide d’aujourd’hui !… Ce soleil sans chaleur me rappelle la Calédonie avec ses brouillards qui flottent sur ses lacs endormis !… Oh ! je vous en prie, monsieur de Rolleboise, parlez-moi notre langue, celle que me parlait mon père, j’aime les illusions !…

Le jeune homme s’assit auprès d’elle et réunit ses deux mains dans la sienne. Un moment il la contempla silencieux, tout en joie dans son recueillement.

— Laissons, Ophélia, les illusions pour les jours tristes