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le vampire.

Raoul fut fort bien reçu. Son cousin, homme dur et froid, le présenta cavalièrement à sa jeune femme qui l’accueillit avec un sourire devant lequel il devint plus rouge que les pattes de son habit, et à ses amis qui le passèrent curieusement en revue. — M. de Boistilla avait un caractère violent et brutal. Tout, dans son château, relevait de son humeur et le craignait, ses valets comme ses chiens. C’était un de ces hommes que l’on dit bons au fond, mais dont les colères sont terribles. Dans le premier mouvement, ils vous brisent un membre, mais ils s’en repentent après ; excellentes gens !…

On remarquait peu de femmes dans le salon du comte, et aucune d’elles ne pouvait prétendre au titre envié par ce sexe. Nous ne parlons, bien entendu, que des dames invitées. Raoul, tout gorgé de mathématiques, tombant au milieu de ce monde brut, ne comprenait rien à ces esprits exclusifs, à ces conversations en style de braconniers. Aussi douta-t-il un moment de lui-même. Mais Nohé-Nahm qui, en sa qualité de docteur, se trouvait un des familiers de la maison, vint à son secours.

L’heure du dîner sonna. Le comte était grand mangeur, sa seule qualité peut-être. Aussi sa table était-elle, à bon titre, réputée dans le pays. Raoul, bien que n’ayant point encore atteint l’âge où l’homme d’esprit se fait gourmand, fut néanmoins sensible au splendide aspect du service du comte. On l’avait placé entre un honnête propriétaire dont les champs, sans aucun doute, devaient être beaucoup mieux cultivés que son esprit, et une vieille fille d’une laideur raisonnable ; mais ce cadre grotesque n’inquiéta nullement notre jeune ami qui reposait la vue en face sur sa belle cousine. Il était