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le vampire.

se trouva en face de la grande avenue des Champs-Élysées. Appuyée sur un parapet des jardins bas, elle attendit que les voitures lui laissassent un passage pour aller au-delà. Le soleil se couchait dans les arbres qu’il incendiait. Un vent sec et âpre couvrait la terre d’une jonchée de feuilles jaunes, qui craquaient sous les pieds. La calvitie des hautes branches gagnait les derniers rameau*.

La pauvre enfant affamée, jetait de fois à autre des regards de besoin sur les éventaires des marchands, où s’étalaient de rugueux pains d’épices et des planisphères de médiocres macarons. Mais, elle eût préféré du pain. À la hauteur du carré Marigny, elle ne se sentit plus la force d’avancer. D’ailleurs, dans quel but marchait-elle ainsi. Où allait-elle. La faim, constante compagne, ne devait-elle pas en tout lieu la poursuivre !…

Un éblouissement troubla sa vue. Pâle, épuisée, elle s’appuya contre un arbre. Ses yeux se fermèrent. Un promeneur seul et oisif, la prit pour une de ces mendiantes muettes, qui ne demandent pas, mais dont l’expression suppliante implore l’aumône. Par caprice, plutôt que par commisération, il déposa une pièce de dix centimes dans la main de cette enfant, et continua sa promenade sans se douter qu’il venait de sauver une mourante. Au contact de cette main gantée, Ophélia rouvrit les yeux. Ses joues se colorèrent de honte, et tout émue elle s’enfonça dans la partie assombrie du bois. L’endroit était solitaire ; aucun promeneur ne paraissait. La pauvre fille reconnaissante, s’agenouilla près d’un banc et remercia Dieu.

Sa prière finie, d’un pas assez ferme, elle rentrait dans les rues par la Madeleine, Elle s’arrêta devant la