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le vampire.

comme la nuit. Elle eût paru moins oubliée dans une prison ; dans une prison, elle eût mangé. Là, personne ne lui parlait : rien ne pouvait la distraire, aucun bruit, aucun livre. À peine comptait-elle vingt ans. À cet âge, on se plaît à suivre un rêve dans ses sinuosités chimériques ; mais, le rêve, désir stérile, ne peut satisfaire et ne laisse après lui qu’une lassitude et un désenchantement.

Elle alla près de sa couche, et de dessous le coussin sur lequel sa tête avait reposé, sa petite main pâle retira quelques fleurs aplaties. D’où lui venaient ces fleurs ?… Elle ne l’eût avoué à personne, pas seulement à elle-même. Ces fleurs mortes furent couchées sur sa table, où les rejoignit la carte mystérieuse. Ophélia, le coude appuyé et la tête dans la main, les regarda longtemps. Elle oublia la faim.

— Hélas ! n’est-ce point une force secourable, une consolation bienfaisante, que le ciel m’envoie ! Toujours, dans mes sombres nuits de misères et de souffrances, tout près du souvenir de mon pauvre père, qui douta de son enfant, j’apercevais une image souriante à mon cœur, un fantôme que j’aimais. Et, une voix secrète, me disait que ce n’était pas tout à fait un songe, mais le reflet d’une réalité !… Oui, je le prenais pour mon bon ange, et j’y croyais… puis, une fois, un soir, parmi des hommes et des femmes que je ne comprenais pas, lorsque, effrayée, je voulais fuir, je reconnus mon fantôme aimé… Je restai… Il était près de moi… ainsi que moi, sérieux ; son sourire se formait triste et pensif. Puis, je ne me souviens plus. J’eûs une fièvre. Je me sentis emportée… lui, toujours près de moi, calme, tranquille… nous nous trouvâmes seuls… puis, tout s’évanouit !… Mais, j’y rêvais