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le vampire.

— Hélas ! mon seul refuge est auprès de lui !…

— N’ajoute pas, ma fille, ces tristes pensées à la somme de tes angoisses. Allons, je vais ressortir, du courage !…

— Où voulez-vous aller ?…

— Je ne sais, mais il nous faut du pain. J’emploirai, s’il le faut, le dernier moyen, mais, j’en aurai.

— Que ferez-vous donc ? Demanda la jeune fille inquiète.

— Je tendrai la main, je mendierai !… Je chercherai dans la foule une physionomie honnête, un homme qui peut être père, je lui dirai que j’ai un enfant qui a faim, je le supplierai, je pleurerai, et, si jamais, lui aussi, a soupçonné le malheur, il m’écoutera. Ophélia, tu auras du pain, ce soir !…

Cet homme, qu’elle nommait Antarès, après ces paroles dites avec l’accent de l’affection désespérée, la serra dans ses bras, posa un baiser sur son front et sortit. Quand elle fut seule, la jeune fille prit la carafe d’eau et but longtemps. Elle en était à cette affreuse période de la faim, où la soif prédomine. Midi sonnait au Palais-Royal et aux Tuileries ; le soleil réchauffait l’atmosphère au-dehors. Le ciel était bleu, mais la rue des Quinze-Vingt demeurait en tout temps sombre, et l’intérieur de la chambre froid.

Voilà bien des heures que s’écoulait de la sorte l’existence de cette femme. Depuis plusieurs mois, elle avait faim, et chaque jour sa nourriture devenait plus insuffisante. Elle entrevoyait régulièrement deux fois, le compagnon de sa vie. Le matin et le soir, il venait éteindre avec une larme intérieure, la lueur d’espérance qui renaissait pour le lendemain. La journée s’écoulait silencieuse,