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le vampire.

ses rayons pâles sur toutes les maisons d’un côté de la rue. L’ombre protégeait la fenêtre de Robert.

La croisée ouverte sans bruit, la jeune femme se plaça sur l’accoudoir et porta ses regards au ciel. Les blanches lueurs frappaient sur son blanc visage. Elle parut à Rolleboise belle comme une madone, et il s’en applaudit, car, malgré l’amour, la vanité de l’amoureux est toujours flattée d’une beauté réelle. Le jeune homme la dévorait du regard, la fascinait de toute son ame, aussi la belle tête cédant à l’attraction de ce magnétisme véhément, laissa retomber son regard dans l’obscurité. Elle vit. L’amour centuple toutes les facultés des sens. Elle voulut rentrer, mais vainement ; son regard était cloué, retenu par un lien invisible.

Robert, sans le secours d’une lumière, traça au crayon quelques phrases sur une carte. Dans l’obscurité, sa main tomba sur quelques fleurs oubliées la veille peut-être par des amoureux heureux, et qui, tristement, prenaient un pédiluve dans un vase bleu. La vie d’une fleur est quelquefois un roman. Ce pauvre bouquet fut attaché à la carte et son poids secourable conduisit le papier à sa destination. Mais aussitôt la femme disparut et la croisée se referma. De Rolleboise quitta l’Hôtel de l’Aunis excessivement heureux. Puis, s’arrêtant comme saisi d’une réflexion subite :

— J’ai déjà rencontré cette femme !… se dit-il.