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le vampire.

naît sur le misérable luxe grelottant autour de lui. Les meubles lui paraissaient moins ternes, les lithographies moins grotesques. Il accueillit gracieusement son hôtesse qui lui portait des flambeaux en enluminant ses rubéfactions d’un sourire onctueux. Elle lui présenta un grand livre ouvert dont les pages étaient rayées en deux sens et portaient des indications imprimées. Le jeune homme, peu habitué à ces sortes de logements, ne comprit pas le geste de son hôtelière. Celle-ci lui demanda ses noms, son âge, sa profession et le lieu de sa naissance. Robert compta le prix de la location et pria la propriétaire de l’Hôtel de l’Aunis, comme l’orthographe de son nom était assez ardue, d’inscrire le sien à la place. On ne répliqua rien à cet étrange arrangement, et le jeune homme laissé seul éteignit ses flambeaux. Il était nuit. Mais la fenêtre d’en face ne s’éclairait d’aucune lueur. La soirée s’écoula ; onze heures sonnèrent ; les bruits de la rue Saint-Honoré et des alentours du Palais-Royal commencèrent à s’apaiser.

Rolleboise ouvrit ses croisées sans bruit, mais resta dans l’obscurité de la chambre. Assis dans un fauteuil, le regard fixé sur les vitres de la maison opposée, il pensait. En effet, c’était la première fois qu’il daignait lever la tête pour voir une femme à une fenêtre ; et, ce qu’il n’avait jamais ressenti dans le monde où se tiennent les jeunes filles de réserve pour les jours de repos, une inconnue le lui faisait éprouver. Après tout, cette intrigue se présentait sous la forme d’un premier chapitre de roman ; il l’eut acceptée pour cette seule raison. Mais son cœur aussi était en émoi, et Robert était un de ces rares hommes qui sont esclaves de ce viscère.