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le vampire.

solitude, un cœur qui soit l’écho de son cœur, une extase silencieuse, un sourire triste, une larme. Telle était la forme de son affection. Il avait deviné le cœur de cette femme, et sans s’inquiéter du mystère qui pouvait l’entourer, son ame, sans effort, s’était soumise à cette contemplation sérieuse, à ce ravissement mystique. D’ailleurs, les objets proches influent toujours sur la nature d’un sentiment qui nait. Ainsi, en ces jours, son cœur vivait contenu, livré à un bourrellement rongeur, puis le ciel pesait grisâtre, la rue était solitaire, la maison noire, la fenêtre pauvrement garnie, et tout cela bâtissait un cadre sombre à une physionomie bien mélancolique. Hélas ! cet amour ainsi éclairé par le reflet d’une larme est peut-être le plus vrai, celui qui se rapproche le plus de l’ame !…

Puissant magnétisme que celui que l’œil rayonne !… Fluide étrange qui pénètre les corps, calme ou galvanise ! Que de fois la jeune fille a rêvé toute la nuit du regard d’un jeune homme qui passait, d’un inconnu qu’elle sait ne jamais revoir. Ainsi, Robert et sa mélancolique inconnue se sont regardés ; deux rayons invisibles se sont touchés, et, depuis cet instant, ou plutôt cette commotion, une révolution s’est opérée en eux-mêmes. Les rayons antipathiques se repoussent. Si belle que soit une femme, il arrive qu’on reste insensible à son regard. Alors les deux caractères se combattent. Nous ne reculons donc pas de formuler ici un axiome incontestable. Ne vous retirez jamais par faiblesse d’une femme dont le regard a agi sur vous, car, si vous persistez, cette femme vous aimera.

Sans dire un mot, ces deux jeunes gens, à toute heure du jour, réunissaient leurs pensées. Tous les