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le vampire.

Avant de quitter la rue, il se retourna. Le lendemain, une seconde observation vint se plaquer à son cerveau. Ce visage réunissait deux avantages : jeunesse et beauté. Cette fois, lorsqu’il se retourna, la jeune femme se retirait lentement.

Dans son existence, ainsi qu’il se l’était arrangée, cette apparition fut un événement. Il y réfléchit. L’amour est une épidémie endémique qui frappe surtout les jeunes gens de dix-huit à vingt-huit ans. Ce n’est pas une affection dangereuse. La nosologie peut lui opposer plusieurs remèdes efficaces, mais pas un préservatif. C’est tout l’opposé du choléra.

Rolleboise aimait-il ?… Non. Mais il ressentait peut-être un faible prodrome du mal. Une légère vapeur flottait sur sa pensée errante. Il revint dans la rue des Quinze-Vingt.

Une fois la croisée se trouva close. Le reste du jour Robert fut triste ; et, le soir, il reconnut avec effroi qu’il était amoureux. Généralement, un mal qui ne menace pas de conduire au tombeau n’attire la commisération de personne. On n’en meurt pas, voilà tout ce qu’on dit. La douleur n’est comptée pour rien. On s’effraye plus d’une mort subite que d’un trépassement laborieusement conquis à l’aide de toute une pharmacopée. C’est, certes, mal employer sa pitié. Ainsi, je plains celui qui souffre de l’amour autant que celui qui souffre des dents, c’est-à-dire beaucoup. Et, c’est sans doute parce qu’il est terrible qu’on nomme ordinairement ce dernier, mal d’amour.

Robert était donc amoureux, étourdiment amoureux, sur la seule foi d’un visage. Il y a des personnes qui