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le vampire.

L’œil habitué à l’épaisse obscurité distinguait au loin les boules noires des arbres, les branches plates des sapins, les colonnes grisâtres des tombes. Par une fixité trop tendue, les objets inertes semblaient parfois se revêtir de formes vivantes. Les conques des larges oreilles de Mob, toujours en guerre avec son chapeau, résonnaient de bruissements inconnus. Peu à peu son imagination créatrice activa sa pensée ; seul vivant au milieu de ce peuple de morts, il eut peur. Le frisson lui passa sur la tête, ses regards se troublèrent ; ses mouvements même lui donnaient frayeur.

Dans le fond de cette toile noire, une ombre se dessina, avança ; et Mob reconnut un homme. On aurait dit un poète rêvant le soir sous les allées d’un parc. Il marchait lentement, le regard en avant. Sur son costume noir, son visage ressortait comme le marbre d’une tombe dans la nuit des cyprès.

L’effroi possédait Mob. De crainte d’attirer l’attention du vampire, il eut voulu ne pas respirer, mais cela lui parut difficile.

La place indiquée par Digger était bonne. Sur le haut d’une boursouflure de terrain, elle dominait tout le versant du cimetière affectée aux inhumations modestes. La tombe de la petite sœur fraîchement comblée, se distinguait pour un œil exercé, plus noire que les autres. Quand le vampire passa près de Mob, celui-ci, crut le reconnaître, mais, dans son désordre d’esprit, il ne put rapporter à sa mémoire les circonstances qui l’avaient déjà placé en face de cette figure. Cet homme étrange, perdit tout à coup de sa hauteur, et s’avança dans le champ des tombes en rampant. Les yeux troublés de